vendredi 12 décembre 2014

MERCI MY UNIQUE BROTHER:"DES SENS ET DES SENTIMENTS"

Objectivement, peut-on écrire quoi que ce soit d’objectif sur le travail de sa propre sœur ? Par où commencer ? Peut être en posant dès le départ que ce travail n’a justement rien à voir avec un travail objectif. C’est même le contraire. Le travail de Valérie relève du subjectif. Complètement. Totalement. Depuis toujours. Le travail subjectif de Valérie va et vient donc de ce qui relève uniquement du sujet défini comme être, comme volonté, comme énergie, comme souffle, comme essence, comme air, comme vie, comme esprit de ce temps. Comme conscience individuelle de ce qui se fait et se déroule devant nos yeux, sous notre nez, derrière nos oreilles, au pied de nos mains et à la portée de nos papilles. Ainsi le travail subjectif de Valérie est avant tout sensoriel.

Dans ma mémoire, il y a des galets peints. C’est à l’adolescence. Des galets choisis roulés, polis, nettoyés et vernis. Des galets colorés. Des galets qui avec un œil, qui avec un nez, qui avec une oreille, qui avec une main, qui avec deux lèvres. Des galets ramassés comme Valérie ramasse tous ces objets, depuis toujours. Des galets, du bois flotté, des sacs de riz vides, des magazines, des journaux, du papier, par milliers de feuilles, crépon, buvard, bristol, vergé, vélin, de soie, de verre. Du carton et encore du bois flotté. En provenance de l’embouchure du Rhône. Après Salin vers Piemanson ou plus haut vers La Gacholle. Ma sœur y a ses fidélités. Le fleuve, son embouchure et le travail de ma sœur. Si l’on y regarde bien, elle procède comme le Rhône. Elle gratte ici, emporte là, charrie au gré de ses envies et de ses inspirations. Elle dépose ici, reprend là et navigue au cœur d’une œuvre multimodale et myriapode.

Ma sœur a- t-elle des Maîtres ? Posez la même question à Jean Dubuffet et il se sera fâché. Jean Dubuffet se fâchait souvent. Pas ma sœur. Mais Jean Dubuffet savait écrire. Par exemple : « Nous entendons par art brut des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » Comme ma sœur : « Ma Muse ne se répète jamais, à personne!
Elle est décoiffée ou rasée ou tatouée-pieds nus. Elle efface les frontières et tisse sous la cendre de toutes douces braises! La rusée satellite puise dans le calice, la mine d'or-Broderie de peaux... Dans le trou profond où sont juchés mes doutes et mes désirs, elle y regarde avec son âme aux yeux bleus. Elle peut y crever les craintes et les détours et m'aligner.
Ma muse vient parfois de tous ».

Ses Maîtres sont ainsi partout puisqu’ils viennent de tous. De vous. De moi. De ses filles. De ses amours. De ses amis. Des enfants, des jeunes, des adultes qu’elle accompagne. Le travail de ma sœur s’oblitère par le sensoriel et s’emmène vers le sentiment. Les émotions. Regardez ses encres. Elle démarre par la couleur, puis l’encre, puis verse de petits morceaux de réel. Du dessin. Parfois des collages. Et le reste. Sur du papier. Toujours choisi. Puis des couleurs. La plupart du temps qui explosent. Ou bien qui s’enroulent comme des volutes passionnelles, des serpents mélancoliques et multicolores, des nuages qui supportent une pluie rouge de chagrin, des oiseaux imaginaires et radieux, leurs yeux bien ouverts. Regardez le détail, la précision, sa peinture est une broderie et si elle devait dessiner un souffle vous en verriez les cils vibratiles. Mais regardez encore et voyez la couleur qui saute, détonne et éclate. Le souffle se fait sang. Plasmatique. Et l’hémoglobine est bleue comme parfois sont les doutes, les amours déçues, les rêves abandonnés, les espoirs oubliés.  Ou jaune. Ou verte. Et bien sur rouge. Comme un joli béguin. Un engouement soudain. Ou une ivresse entêtante.

Des sens et des sentiments, tel pourrait être le nom du fleuve qui charrie les œuvres de ma sœur : des dessins, des encres, des gouaches, des aquarelles, des pastels, des collages, des sculptures, des pliages, des amas, des agrégats et des poèmes. Par dizaines.


L’expression « art brut », inventée par Jean Dubuffet renvoie parfois à quelque chose de grossier, de rustique ou de brutal ce qui est tellement éloigné du travail de Valérie. Mais elle renvoie aussi à une œuvre sauvage, fière, indomptée et obstinée. Une œuvre joyeuse. Une œuvre faite à la vie comme on pourrait écrire « ode ». Un poème donc. Un long poème coloré et sinueux, une vague bariolée, toujours rehaussé d’une rime riche comme d’un ornement, d’une enluminure, là ou ici, tout en haut tracée finement, ou tout en bas comme dans le nom de ce tableau qui date de 2009, que l’on trouve sur l’un de ses blogs et qui pourrait, de mon point de vue, résumer toute son œuvre : un moment d’émerveillement.
Bruno Auer

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est beau à pleurer!!

GDL a dit…

tout ça pour dire que ta sœur est un ange?

exobnkr a dit…

Bonne année à toi !