jeudi 15 mars 2018

UTOPIE



Avec Polly, tout nous lâchait.
Les enfants, le Mac, la bagnole, on parlait même plus des amours...
Moi, il me restait l'écriture si j'arrivais à trouver un stylo bleu dans la baraque, la peinture quand j'avais la foi et du papier, et Polly...
Polly, avec ses boutons blancs sur le front et ses dix kilos en trop, Polly, ma pote bipolaire qui fondait en larmes si le feu passait à l'orange.
Tout nous lâchait, on pouvait même plus écouter Bertrand Cantat sans culpabiliser, on pouvait même plus aller acheter du Thé blanc à Monop, parce que le Crédit Agricole avait bloqué nos Cb et nous réclamait 38 euros d’agios...."Des adagios "disait Polly, »des adagios, suffit d'avoir un piano!"
Moi, il me restait mon boulot, mes Skizos, mes TCA, mes premiers épisodes psychotiques, mes tentatives de suicide, et un bout de sheet au fond d'un tiroir.
Et Polly.
Polly, sa touffe de cheveux roux et cancérigènés, ses souvenirs tordus, son incompétence notoire, son rire de follasse…
Je l’avais rencontrée en 1990.
Ca faisait 26 ans qu’on se côtoyait, qu’on se mettait sur la gueule, qu’on s’aimait en silence.
Son rêve le plus fou était de partir au Ghana, et le soir, elle filait des cours d’alphabétisation au black à des refugies pakistanais.
Tout nous lâchait.
J’étais encore tombée sur un gros con relou qui pensait s’installer chez nous, et quand j’avais vu l’état de sa brosse à dent, je l’avais dégagé vite fait, puis j’étais partie me faire un géant shoot de chocolat blanc chez Jeff de Bruges.
Polly m’avait rejoins en râlant, elle elle préférait le praliné au cointrau ,et y’en avait plus, comme d’hab.
On avait terminé notre virée au Kebab, entourée de mecs relous qui se passaient de la dope entre deux galettes fourrées.
Ouais.
Tout nous lâchait, mon frère parti en Birmanie, ca faisait deux mois que je n’avais plus de nouvelles, je grattais des Kinoos dans l’espoir de gagner 2000 euros pour aller le chercher.
Polly avait revu sa mère, enceinte de 6 mois à 45 ans, des extensions de cheveux blonds jusqu’au cul, et ma pote arrivait pas à savoir qui était le père.
Entre Julien, le banquier, Abib le rebeu de l’épicerie, et puis après, elle s’en foutait, et reprenait quelques kilos en plus.
Tout nous lâchait
La soupe aux nouilles chinoises sans coriandre, le pinard au gout de bouchon, et les voisins d’en bas qui n’avaient toujours pas ramassé la crotte de leur cleb .

Tu le crois ?

Aucun commentaire: